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Souvenir de la nuit du Quatre


Souvenir de la nuit du Quatre, Gervex

Voici une lecture analytique du poème de Victor Hugo, "Souvenir de la nuit du Quatre", réalisée en classe de 1ère en français, dans le cadre de la séquence "La poésie, quête du sens, du Moyen-Âge à nos jours" sur le thème de la place de l'enfant dans la poésie.


Introduction:

Victor Hugo (1802-1885): Chef de file du Romantisme, il a réalisé une oeuvre gigantesque qui touche à tous les genres. Que ce soit en poésie (Les Châtiments, Les Contemplations), en théâtre (Harnani, Ruy Blas), ou encore en roman (Les Misérables, Notre-Dame de Paris), Hugo s'engage dans de nombreux combats politiques, notamment dans la lutte contre les injustices sociales.

Les Châtiments (1853): recueil de poèmes satiriques critiquant Napoléon III.

Présentation: La nuit du 4 décembre 1851, 2 jours après le coup d'État de Louis-Napoléon, un soulèvement populaire est violemment réprimé par l'autorité (environ 400 victimes). Hugo est témoin d'une scène où un enfant est tué.

Lecture: je vais maintenant procéder à la lecture du texte:

"L'enfant avait reçu deux balles dans la tête.

Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;

On voyait un rameau bénit sur un portrait.

Une vieille grand-mère était là qui pleurait.

Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,

Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son oeil farouche ;

Ses bras pendants semblaient demander des appuis.

Il avait dans sa poche une toupie en buis.

On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.

Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?

Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.

L'aïeule regarda déshabiller l'enfant,

Disant : - comme il est blanc ! approchez donc la lampe.

Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe !

-Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.

La nuit était lugubre ; on entendait des coups

De fusil dans la rue où l'on en tuait d'autres.

- Il faut ensevelir l'enfant, dirent les nôtres.

Et l'on prit un drap blanc dans l'armoire en noyer.

L'aïeule cependant l'approchait du foyer

Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.

Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides

Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas !

Elle pencha la tête et lui tira ses bas,

Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.

- Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre !

Cria-t-elle ; monsieur, il n'avait pas huit ans !

Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.

Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,

C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre

A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !

On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,

Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !

Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être !

Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.

Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.

Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ;

Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte

De me tuer au lieu de tuer mon enfant !

-Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant,

Puis elle dit, et tous pleuraient près de l'aïeule :

- Que vais-je devenir à présent toute seule ?

Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd'hui.

Hélas ! je n'avais plus de sa mère que lui.

Pourquoi l'a-t-on tué ? Je veux qu'on me l'explique.

L'enfant n'a pas crié vive la République.

-Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,

Tremblant devant ce deuil qu'on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.

Monsieur Napoléon, c'est son nom authentique,

Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ;

Il lui convient d'avoir des chevaux, des valets,

De l'argent pour son jeu, sa table, son alcôve,

Ses chasses ; par la même occasion, il sauve

La famille, l'église et la société ;

Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l'été,

Où viendront l'adorer les préfets et les maires ;

C'est pour cela qu'il faut que les vieilles grand-mères,

De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps,

Cousent dans le linceul des enfants de sept ans."

Problématique: Comment Hugo dénonce-t-il la tyrannie de Napoléon III?

Plan:

I.Un tableau réaliste

1) La description du lieu

2) Le tableau de l’enfant mort

3) Hugo, témoin d’un drame intime

II. Une scène pathétique

1) Références religieuses

2) Le discours de la grand-mère

3) Un crime incompréhensible

III. Un violent réquisitoire

1) Contexte historique

2) Satire de l’Empereur

3) La défense du peuple et morale


I.Un tableau réaliste

1) La description du lieu

Profusion de détails sur le lieu:

v.2: "propre, humble, paisible, honnête"→accumulation d'adjectifs

v.3:"rameau bénit"→famille croyante, pieuse

v.19: "drap blanc"→innocence, pureté

=registre réaliste avec la présence d'imparfaits de description


2) Le tableau de l’enfant mort

Détails anatomiques qui soulignent l'atrocité du crime

v.1: "deux balles dans la tête"→le poème commence abruptement + il ne s'agit pas d'une balle perdue mais bien d'une volonté de tuer

v.5-6: "bouche/Pâle→ rejet =pâleur de l'enfant

v.7: "bras pendants"→inertie

v.9-11: champ lexical de la blessure: "les trous de ses plaies", "son crâne était ouvert", "saigner"→ crime atroce, blessure flagrantes

=description sans tabou qui accentue le pathos et la polémique


3) Hugo, témoin d’un drame intime

-poète présent: "nous", "les nôtres"

-il ajoute de nombreux symboles à sa description:

v.8: "toupie"→enfant qui joue

v.10: "la mûre dans les haies"→ nature=enfant divinisé

-contexte extérieur: "nuit lugubre"

v.17: "on l'on en tuait d'autres"→article indéfini, le crime continue

=Hugo a réellement assisté à la scène mais il ajoute des éléments métaphoriques


II. Une scène pathétique

1) Références religieuses

On trouve de nombreuses connotations religieuses:

v.2: "rameau bénit"→famille vertueuse

v.9: "trous de ses plaies"→ stigmates (référence au Christ) + v.36: "comme un Jésus"→ comparaison explicite

blancheur de l'enfant: "pâle", "comme il est blanc"→symbole de pureté, contraste avec le sang

v.15: "le prit sur ses genoux"→ référence à la Piéta

=enfant martyre, être sacré


2) Le discours de la grand-mère

Le discours de l'aïeule porte le pathos à son paroxysme:

-discours direct: "cria-t-elle" + utilisation de la 1ère personne

-interjections: "Monsieur!", "Ah! Mon Dieu!", "Hélas"→ exprime son désespoir, sa douleur

champ lexical du pathos: "pleurait", "sanglot", "navre"

-dénuement de la grand-mère: illettrée ("quand il fallait que je fisse une lettre,/C'est lui qui l'écrivait.) , solitude: "Que vais-je devenir à présent toute seule ?"→ question rhétorique + "Hélas ! je n'avais plus de sa mère que lui."→restriction, sa fille et son petit-fils sont morts.

Elle voudrait se sacrifier: "de me tuer au lieu de tuer mon enfant"→chiasme


3) Un crime incompréhensible

Le crime de l'enfant est absurde et injuste:

v.35: "Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus."→vers coupé, césure, les deux hémistiches n'ont aucun rapport

v.45: "Pourquoi l'a-t-on tué ? Je veux qu'on me l'explique."→ question rhétorique, qui marque l'incompréhension

v.45-46: famille apolitique

v.31: "tuer les enfants": pluriels→ meurtre parmi d'autres


III. Un violent réquisitoire

1) Contexte historique

Références au contexte politique: "Monsieur Napoléon"→ bourgeois, désacralisation

v.45: "L'enfant n'a pas crié vive la République"→Napoléon vient de faire un coup d'État


2) Satire de l’Empereur

dernière strophe: l'enfant prend la parole: "vous ne compreniez point, mère, la politique" mais c'est le poète qui parle

énumérations des vices de Napoléon: "des chevaux, des valais /De l'argent pour son jeu, sa table, son alcôve /Ses chasses "→marque la luxure et la possession (répétition de "son", "ses")

satire: "Monsieur Napoléon, c'est son nom authentique,Est pauvre, et même prince "→ antithèse, méprisant

+ v.55: "il sauve/ La famille, l'église et la société"→énumération qui contredit le récit qui précède.

v.57: "les préfets et les maires"→idolâtrie


3) La défense du peuple et morale

morale de l'apologue:

v.58: "c'est pour cela"→connecteur logique, fin de la démonstration

=Hugo feint de prendre le parti de Napoléon

pathétique à la fin: "vieilles mains", "doigts gris"

v.60: "enfant de 7 ans"→ rajeunit par rapport au début

antithèse entre le logis de la famille et le palais de Napoléon


Conclusion:

-bilan I, II, III

-réponse à la problématique: Hugo défend le peuple humble, pauvre et pieux contre la politique usurpatrice et anti-républicaine de Napoléon. Il utilise surtout les registres pathétiques, réalistes et polémiques dans ce poème à la forme d'un apologue.

-ouverture: On pourrait comparer ce poème à un autre de Victor Hugo, "Melancholia", qui utilise aussi la figure de l'enfant pour dénoncer, mais cette fois-ci sur le thème du travail.

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