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Philo : la Technique


Untitled, Basquiat, 1981

Vous êtes très nombreu.x.ses à me demander plus d'articles en philosophie, et vous avez bien raison, tant cette matière est difficile à apprivoiser et passionnante ! Alors, comme je n'ai pas les connaissances et compétences suffisantes pour le faire, j'ai demandé à une super prof de philo de partager ses magnifiques cours avec vous. Attention, cet article n'est pas du tout une dissertation à recopier, mais un plan détaillé avec des exemples et des textes qui permet de se plonger dans la fabuleuse notion de la technique.



La technique nous déshumanise-t-elle ?


Introduction :

Définitions :

- Ensemble des savoir-faire pratiques et théoriques qui vise à satisfaire un besoin.

- Art d’élaborer des moyens en vue d’améliorer nos conditions d’existence.

La technique crée les conditions pour que cette intelligence puisse se développer


Problématique : La technique nous déshumanise-t-elle ? perfectionne-t-elle notre nature intelligente et ingénieuse ? ou bien cette même intelligence n’est-elle pas débordée par la puissance technique au point où elle modifierait notre nature même (corps et esprit) ?


I) Le développement des techniques réalise l’essence humaine et perfectionne la vie

A) La main pallie par ses fonctions multiples notre faiblesse naturelle

Voir article sur le travail: Aristote et Marx : le travail technique réalise notre essence humaine universelle (générique)


B) L’homme est un animal laborans et un homo faber avant d’être homo sapiens

La thèse de Bergson est que nous sommes d’abord des homo faber, des humains qui fabriquent, c'est-à-dire des humains techniques, avant d’être des homo sapiens, des savants. L’Homo sapiens est « né de la réflexion de l’Homo faber sur sa fabrication ». Notre nature est donc d’abord fabricante :

"L’homme est essentiellement fabricant. La nature, en lui refusant des instruments tout faits comme ceux des insectes par exemple, lui a donné l’intelligence, c’est-à-dire le pouvoir d’inventer et de construire un nombre indéfini d’outils."


Précisons le concept d’intelligence chez Bergson : l’intelligence est pour lui d’abord pratique (fonction utilitaire de l’intelligence). L’intelligence pure, spéculative vient plutôt d’un rapport pratique et utilitaire au monde. L’intelligence n’est donc pas vraiment à entendre au sens d’une érudition mais est plutôt une habileté pratique. La nature a développé en nous l’intelligence pour qu’elle nous soit utile.

MAIS l’intelligence comporte des dangers : cette fonction que la nature nous a donné peut se retourner contre notre espèce en favorisant l’individualisme (menace la cohésion de la société) + amène à la dépression (l’intelligence nous fait prendre conscience de notre finitude et de l’échéance de la mort).


Revenons sur le concept d’homo faber qui nous caractérise en propre :

Arendt reprend ce terme à Bergson : en tant qu’il est un être vivant soumis à la nécessité, l’homme est animal laborans, et laborare n’est que la manière dont l’homme affronte sa condition animale, qui est de produire et reproduire la vie en produisant des biens de consommations périssables, qui sont différents des objets d’usage durables, œuvres de l’homo faber. L’homo faber fabrique les outils de l’animal laborans pour qu’il les utilise au travail. On oppose donc l’activité vitale de l’animal laborans à l’activité créatrice de l’homo faber. Ce qui importe est vraiment la durabilité des oeuvres de l’homo faber, des objets fabriqués :

"ils sont vraiment tout ce qui survit de tangible au travail comme au processus de consommation. Ainsi pour l'animal laborans, en tant que soumis et constamment occupé aux processus dévorants de la vie, la durabilité, la stabilité du monde sont représentées avant tout par les outils et instruments dont il se sert."

Il convient donc pour Arendt à la fois d’opposer homo faber et animal laborans, et de caractériser les sociétés modernes par le triomphe du travail et du processus vital sur l’œuvre.


Donc non, la technique en tant qu’oeuvre de l’homo faber ne nous déshumanise pas, elle est caractérisée par sa durabilité, elle contribue à construire un monde humain stable. La technique est la caractéristique même de notre essence et de notre culture. C’est plus l’activité de l’animal laborans qui nous ôte notre humanité en nous rapprochant de la servilité naturelle (soumission aux besoins vitaux).


Dernier point : Arendt précise que lorsque nous disons que nous sommes esclaves de nos propres machines (cf Charlie Chaplin) notre aliénation est plus due au travail qu’à la technique en elle-même.

"On déplore souvent la perversion des fins et des moyens dans la société moderne, où les hommes deviennent les esclaves des machines qu'ils ont inventées et « s'adaptent » aux exigences de ces machines au lieu de les mettre au service des besoins humains : c'est se plaindre de la situation de fait de l'activité de travail."


Ce n’est donc pas la technique le problème. Au contraire, la technique est le signe de notre ingéniosité et de notre liberté d’inventer. C’est plutôt le système de production qui nous aliène, davantage que la machine, qui n’est qu’un outil du système de production.

Critique : le problème de cette distinction est :

- Qu’il est difficile de séparer le travail de la technique. L’animal laborans suppose un monde d’objets fait par l’homo faber et un monde d’objets suppose une communauté d’hommes qui les utilisent au travail.

- Qu’elle sépare l’invention de l’exécution : risque d’une hiérarchie entre l’inventeur et l’exécuteur et d’un certain élitisme.


C) Les machines nous libèrent des tâches aliénantes pour que nous puissions créer et innover (thèse libre)


II) La double déshumanisation à laquelle peut conduire le progrès technique

A) Au sens d’une dénaturation ou d’une modification de notre essence

La technique n’est pas seulement le produit de notre être, elle modifie cet être même en retour. On peut parler d’une déshumanisation au sens d’une modification de notre essence. Je m’explique. Derrière la notion de progrès technique, il y a l’idée d’une amélioration ou d’un perfectionnement de notre propre corps, voire de notre esprit.

Amélioration du corps : des membres bioniques, beaucoup plus puissants.

Amélioration de l’esprit : une intelligence artificielle qui serait une extension autonome de notre intelligence ou un adjuvant de notre mémoire (les clouds). On cherche même à devenir immortel via la technique ou à repousser les limites de notre propre mort (cryogénisation).

Problème : à vouloir repousser les limites de notre finitude (rappel définition) ou contrer notre nature mortelle, en voulant aller contre nature, on en subit les frais : cf Frankenstein de Mary Shelley.

"Le cyborg brave la faiblesse et la finitude de notre condition, mais à quel prix ?"


B) Au sens d’une décadence morale

On peut voir un deuxième sens de la « déshumanisation », cette fois ci moral et pas ontologique. Quand on dit qu’une personne est « inhumaine », on veut dire par là qu’elle fait le mal intentionnellement, qu’elle n’a pas de scrupules ou de pitié, qu’elle a perdu toute « humanité » en un sens moral. Au contraire, quelqu’un d’humain, c’est quelqu’un qui est sensible aux autres et à leur souffrance, qui est altruiste, généreux. Or le développement de la technique peut nous mener à cette inhumanité en tant qu’elle nous rend insensible au vivant. On manipule le clonage par exemple sans se questionner sur ses enjeux éthiques et moraux, en privilégiant la prouesse technique et le progrès scientifique. Ce qui a des conséquences désastreuses sur la singularité et l’identité personnelle (que se passerait-il si nous étions des clones ? Garderions-nous notre singularité ?), et pose des problèmes éthiques. La technique et surtout les machines, en faisant à la place des humains, dépersonnalisent l’action, la rendent anonyme. Elles nous déresponsabilisent du même coup.

Exemple : l’usage militaire des drones qui tuent à distance. Utiliser des machines pour tuer à notre place est une manière de se déresponsabiliser d’un acte inhumain ou moralement inacceptable.

Carl Schmitt insiste précisément sur l’implication morale du progrès technique. Il parle de « disproportion ». On peut voir en effet une première disproportion que j’appellerais temporelle : le développement ou le progrès technique va plus vite que le recul que nous devons avoir sur ce même progrès. Il prend l’exemple de la bombe atomique, qui est un « pur instrument d’extermination ». D’où une seconde disproportion entre les rapports humains : seuls ceux qui détiennent la bombe sont puissants par rapport aux autres qui sont comme pris en « otage » dit Schmitt. C’est donc une disproportion en matière de pouvoir politique : ceux qui détiennent les moyens techniques détiennent le pouvoir (enjeu politique de la technique).


"Le développement technique et industriel a porté les armes de l'homme à un niveau où elles sont de purs instruments d'extermination. Il en résulte une disproportion entre protection et obéissance qui est un défi : une moitié de l'humanité devient l'otage des maîtres de l'autre moitié, équipés de moyens de destruction atomiques. Ces moyens de destruction absolus exigent un ennemi absolu sous peine d'être absolument inhumains. Car ce ne sont pas les moyens d'extermination qui exterminent, mais des hommes qui exterminent d'autres hommes. […]"


Là encore, Schmitt insiste à la fin que ce ne sont pas les moyens de destruction qui exterminent mais les hommes dans une logique autodestructrice. En d’autres termes il faut appuyer sur le bouton pour lancer la bombe atomique, ce sont bien les hommes les responsables, pas les outils ou instruments.


Le danger n’est donc pas tant la disproportion des moyens, de plus en plus puissants, mais vient « de l’intérieur », c’est-à-dire de notre capacité morale interne selon Hans Jonas dans Une éthique pour la nature :

"Le danger qui nous menace actuellement vient-il encore du dehors ? Provient-il de l'élément sauvage que nous devons maîtriser grâce aux formations artificielles de la culture ? C'est encore parfois le cas, mais un flot nouveau et plus dangereux se déchaîne maintenant de l'intérieur même et se précipite, détruisant tout sur son passage, y compris la force débordante de nos actions qui relèvent de la culture."


Jonas fait état d’une inversion de notre rapport à la nature : ce n’est plus la nature qui nous menace extérieurement, c’est nous-mêmes qui nous menaçons de l’intérieur. En d’autres termes nous sommes devenus notre propre ennemi. Notre devoir est donc désormais de protéger cette nature qui autrefois nous menaçait :

"Ainsi les fronts se sont-ils inversés. Nous devons davantage protéger l'océan contre nos actions que nous protéger de l'océan. Nous sommes devenus un plus grand danger pour la nature que celle-ci ne l'était autrefois pour nous. Nous sommes devenus extrêmement dangereux pour nous-mêmes et ce, grâce aux réalisations les plus dignes d'admiration que nous avons accomplies pour assurer la domination de l'homme sur les choses."


Avec cette inversion de notre rapport à la nature on a une inversion des rapports de force : ce ne sont plus les forces naturelles qui nous dominent, c’est nous qui dominons désormais le rapport de force. Vous pouvez élargir cette question avec le concept d’anthropocène, selon lequel l’empreinte humaine sur la Terre est devenue tellement importante, qu’elle influe autant qu’une force naturelle sur l’écosystème, comme un ouragan. Cette nouvelle ère géologique dominée et influencée par les forces humaines s’appelle alors anthropocène.


III) La technique doit donc s’accompagner d’une éthique

A) Face à ce corps démesuré, il faut une âme proportionnée ou un supplément d’âme

Pour résoudre notre problème entre développement technique et accompagnement moral, Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion fait un parallèle avec l’âme et le corps, la matière et l’esprit et rétablit un dualisme. Comment s’y prend-il ? Comment Bergson arrive-t-il à rapprocher la technique de notre propre corps ? Pour lui il y a une continuité entre la technique et le corps :

"Allons plus loin. Si nos organes sont des instruments naturels, nos instruments sont par là même des organes artificiels. L'outil de l'ouvrier continue son bras ; l'outillage de l'humanité est donc un prolongement de son corps. La nature, en nous dotant d'une intelligence essentiellement fabricatrice, avait ainsi préparé pour nous un certain agrandissement."


Les outils continuent notre bras et les prolongent en leur conférant une puissance accrue. D’où un agrandissement : les outils et les machines grandissent notre corps et le rendent plus puissant. Il y a donc extension, agrandissement mais du même coup disproportion : cette fois-ci ce n’est pas 1) une disproportion temporelle (la technique va plus vite que notre recul sur elle), ou 2) disproportion du pouvoir politique (Schmitt : ceux qui détiennent les moyens techniques détiennent le pouvoir), mais 3) disproportion entre l’âme et le corps. Explication :

"Or, dans ce corps démesurément grossi, l'âme reste ce qu'elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger. D'où le vide entre lui et elle. D'où les redoutables problèmes sociaux, politiques, internationaux, qui sont autant de définitions de ce vide et qui, pour le combler, provoquent aujourd'hui tant d'efforts désordonnés et inefficaces : il y faudrait de nouvelles réserves d'énergie potentielle, cette fois morale."

Plus le corps grandit (la puissance technique), plus l’âme est dépassée (la morale), elle qui ne suit pas cet agrandissement et reste trop petite pour piloter un corps devenu énorme. Voiic la solution pour équilibrer cette disproportion entre l’âme et le corps, entre la matière et l’esprit, la technique et l’éthique, la mécanique et la mystique : « Il y faudrait de nouvelles réserves d’énergie. » Mais pas une énergie d’ordre corporelle, ou au sens de l’électricité : une énergie spirituelle ou force mentale et morale pour accompagner cet agrandissement du corps qui symbolise le progrès technique. D’où le concept de supplément d’âme :

"Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d'âme, et que la mécanique exigerait une mystique."

Il faudrait donc ajouter un supplément d’âme à notre technique pour contrer cette déshumanisation vers laquelle nous allons, et renouer avec le sens positif de la technique que nous avons vu en I) : à savoir une technique qui améliore nos conditions d’existence et pas qui détruit toute existence, qui exprime notre nature intelligente et ingénieuse et pas qui gonfle notre orgueil au point de mépriser la morale au profit de l’excellence technique et scientifique. Nous avons plus que jamais besoin d’une âme plus grande pour gérer cette puissance technique destructrice. D’ailleurs quand on dit que quelqu’un n’a pas d’âme, on veut bien dire par là qu’il n’est plus humain, plus sensible, n’a plus de pitié, et qu’il est proprement « inhumain ». Ou bien qu’il n’a pas de singularité propre ou d’individualité, qu’il ne se distingue de personne, qu’il est vide comme un lieu « sans âme ». Bref, l’absence d’âme c’est l’absence d’humanité, d’individualité, de sensibilité et de réflexion sur les conséquences de nos actions.


B) Un nouvel impératif est nécessaire : le principe responsabilité

Où trouve-t-on cette nouvelle énergie morale ou spirituelle (au sens où elle provient d’un esprit qui réfléchit) ? Hans Jonas dans Le principe responsabilité fait le même constat que Schmitt et Bergson et propose de réactualiser l’impératif catégorique à l’aune du problème de la technique et surtout du problème écologique. Rappelez-vous : l’impératif catégorique est le seul véritablement moral, c’est un précepte d’action qui dit que ce que je fais actuellement, si tout le monde le faisait (on universalise notre action ici), il n’y aurait pas de problème moral, l’humanité se porterait bien. Avec des mots proches de ceux de Kant, il propose plusieurs formulations qui sont des nouveaux préceptes pour l’homme moderne :

"« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre » ; ou pour l'exprimer négativement : « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie » ; ou simplement: « Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l'humanité sur terre » ; ou encore, formulé de nouveau positivement: « Inclus dans ton choix actuel l'intégrité future de l'homme comme objet secondaire de ton vouloir. »"


Voilà donc le nouvel impératif que nous devons garder en tête face à toutes ces disproportions qu’amène la technique (et qui nous déshumanisent). Les effets de notre action ne doivent jamais compromettre la vie sur Terre. On doit donc toujours mesurer les conséquences de nos actions pour ne pas menacer la vie des autres êtres humains, plantes, et animaux. Or le problème est qu’il n’y a pas de contradiction dans le fait de vouloir le bien actuel sans penser au bien futur. Par exemple, je peux décider de prendre des bains tous les jours pour mon bien actuel et personnel tout en ignorant le bien futur (que se passerait-il si tout le monde faisait comme moi et qu’il n’y avait plus d’eau ?). De même dit Jonas, on peut tout à fait dans une sorte de nihilisme destructeur, vouloir notre propre disparition et celle de l’humanité (logique kamikaze). Il faut donc préciser notre nouvel impératif pour contrer toutes ces tendances destructrices :

"Or le nouvel impératif affirme précisément que nous avons bien le droit de risquer notre propre vie, mais non celle de l'humanité ; et qu'Achille avait certes le droit de choisir pour lui-même une vie brève, faite d'exploits glorieux, plutôt qu'une longue vie de sécurité sans gloire (sous la présupposition tacite qu'il y aurait une postérité qui saura raconter ses exploits), mais que nous n'avons pas le droit de choisir le non-être des générations futures à cause de l'être de la génération actuelle et que nous n'avons même pas le droit de le risquer."


On a donc bien le droit de vouloir risquer notre propre vie, de la diminuer en vivant dangereusement (comme Achille ou celui qui préfère la multiplication des plaisirs à sa santé), mais en aucun cas nous n’avons droit de risquer la vie des autres et des générations futures. Jonas reconnaît cependant qu’il est difficile de se préoccuper de personnes qui n’existent pas encore :

"Ce n'est pas du tout facile, et peut-être impossible sans recours à la religion, de légitimer en théorie pourquoi nous n'avons pas ce droit, pourquoi au contraire nous avons une obligation à l'égard de ce qui n'existe même pas encore et ce qui « de soi » ne doit pas non plus être, ce qui du moins n'a pas droit à l'existence, puisque cela n'existe pas. Notre impératif le prend d'abord comme un axiome sans justification."


Il est certes difficile de peser toutes les conséquences de nos actions et de s’apitoyer sur des générations futures qui n’existent pas encore, mais il est nécessaire de le faire pour préserver la vie sur Terre. Il ne faut donc pas tenter de prouver ou justifier ce nouvel impératif, il faut le suivre comme principe premier sans trop se poser de questions (ce que veut dire « axiome sans justification). Il en va de l’avenir de notre existence.


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