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La chasse à l'enfant



Voici une lecture analytique du poème de Jacques Prévert "La chasse à l'enfant", réalisée en classe de 1ère en français dans le cadre de la séquence "Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours"


Introduction:

Jacques Prévert (1900-1977): écrivain et cinéaste français, il a fréquenté le groupe surréaliste mais il a pris ses distances. Il s'engage notamment dans les luttes contre les inégalités sociales et soutient les ouvriers en grève. Son recueil de poèmes Paroles, publié en 1946 mais écrit en 193, se rapporte à des scènes du quotidien.


Contexte historique: En 1934, 30 enfants tentent de s'échapper d'une colonie pénitentiaire à Belle-Île sur Mer en Bretagne. La police et les habitants pourchassent les enfants pour obtenir des récompenses.


Situation: Prévert évoque dans ce poème sa colère face à cet effroyable événement.


Lecture:

LA CHASSE À L'ENFANT


À Marianne Oswald

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


Au-dessus de l'île, on voit des oiseaux

Tout autour de l'île il y a de l'eau


Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


Qu'est-ce que c'est que ces hurlements


Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


C'est la meute des honnêtes gens

Qui fait la chasse à l'enfant


Il avait dit « J'en ai assez de la maison de redressement »

Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents

Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Maintenant il s'est sauvé Et comme une bête traquée Il galope dans la nuit Et tous galopent après lui Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes


Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


C'est la meute des honnêtes gens

Qui fait la chasse à l'enfant


Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis

Tous le braves gens s'y sont mis

Qu'est ce qui nage dans la nuit

Quels sont ces éclairs ces bruits

C'est un enfant qui s'enfuit

On tire sur lui à coups de fusil


Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


Tous ces messieurs sur le rivage

Sont bredouilles et verts de rage


Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !


Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent !


Au-dessus de l'île on voit des oiseaux

Tout autour de l'île il y a de l'eau.


Problématique: Comment Prévert nous fait-il partager sa colère dans ce poème?


Plan:

I.Une poésie très libre

1) Une dédicace signifiante

2) Une forme libre pour une revendication de liberté

3) Des refrains parlants


II.La violence ressentie

1) La voix des poursuivants

2) La voix du poète


III.Le jugement du poète

1) Un épisode inhumain

2) Une chasse incongrue

3) Les « honnêtes gens »


I.Une poésie très libre

1) Une dédicace signifiante

Marianne Oswald est une chanteuse allemande à la voix très rauque. Elle a dû fuir les nazis pendant les années 30 car elle était juive. Elle interprétera ce poème en chanson.

=Avec cette dédicace, Prévert place ce poème dans la lutte contre la persécution.


2) Une forme libre pour une revendication de liberté

Les vers sont inégaux et impairs (9-11 syllabes)→ rythme moins mécanique + absence de ponctuation

Les strophes sont également inégales (1, 2, 3, 5 et 8 vers)

Les rimes sont généralement suivies (eau/oiseaux)

Le son [en] est souvent utilisé (gens, enfant, chenapan)→ assonance

=Liberté dans la composition et dans la réalisation.


3) Des refrains parlants

refrain: "Bandit! Voyou! Voleur! Chenapan!" revient 7 fois→ montre l'acharnement des poursuivants + répétition à 2 reprises de "C'est la meute des honnêtes gens/Qui fait la chasse à l'enfant"→rappelle le titre et la colère du poète.

v.2-3 + v.32-33: "Au-dessus de l'île on voit des oiseaux/Tout autour de l'île il y a de l'eau."→ encadrent le poème comme l'eau entoure l'île où les enfants ne peuvent s'échapper.

"île", "oiseaux"→ topos du rêve, de la liberté ≠ "Tout autour de l'île il y a de l'eau."→enfermement

=Distinction d'un refrain et de couplets, poème musical.


II.La violence ressentie

1) La voix des poursuivants

"Bandit! Voyou! Voleur! Chenapan!"→ heurté, 4 exclamations, gradation + allitération en [v]→ voix des poursuivants.

violence ressentie: "brisé les dents", "rage", "fusils", "tire"→ champ lexical de la violence.

v.10: "dents"→ confisque la parole, qui est la seule liberté des enfants + disproportion entre la demande "j'en ai assez" et la réponse "briser les dents"


2) La voix du poète

Le poète semble assister à la scène.

interrogations: "Qu'est-ce que c'est que ces hurlements?", "quels sont ces éclairs, ces bruits?"→ angoisse, suspense.

v.31: "rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent!"→répétition, écho

Prévert n'utilise pas un point d'interrogation mais un point d'exclamation, ce qui souligne son inquiétude.

= Polyphonie très importante qui souligne la violence et l'angoisse du témoin.


III.Le jugement du poète

1) Un épisode inhumain

v.5: "hurlements"→péjoratif, rappelle les hurlements des loups

v.7 + v.19: "meute des honnêtes gens"→ oxymore car "meute" donne l'impression d'une animalisation alors que l'adjectif "honnête" marque la civilisation.

v.14: "bête traquée" + v.15: "il galope"→ animalisation des enfants qui sont considérés comme des proies.

=Il s'agit d'un épisode sauvage


2) Une chasse incongrue

champ lexical de la chasse: "bête traquée", "fusil", "bredouilles", "permis"

v.21: "pas besoin de permis"→ pas de lois ni de règles.

v.26: "on tire sur lui"→ pronom indéfini, chasseur anonyme.

v.29: "bredouilles et verts de rage"→ ceux qui n'ont pas attrapé d'enfants sont en colère.

=La chasse, évoquée dans le titre de ce poème, accentue la violence de cet épisode.


3) Les « honnêtes gens »

v.17: "Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes"→énumération des honnêtes gens: chacun doit se sentir concerné. Seuls les travailleurs pauvres ne sont pas évoqués car ils n'ont pas de temps libre pour se prêter à ce genre d'activités.

"artiste"→Prévert s'intègre en tant que poète.

+ "braves gens", "messieurs"→ registre ironique

=En énumérant tous ces groupes sociaux, Prévert marque son indignation.


Conclusion:

-bilan I, II, III

-réponse à la problématique: Prévert exprime sa colère à travers ce poème à la forme libre et musicale. Il utilise notamment la polyphonie pour accentuer la violence de cet événement et l'ironie pour désigner les acteurs de cet épisode scandaleux.

-ouverture: On peut comparer "La chasse à l'enfant" avec un autre poème de Prévert, "Le cancre", qui utilise également la figure de l'enfant pour dénoncer. Mais cette fois-ci, Prévert s'attaque à l'école et aux institutions qui tuent la liberté de l'enfant.

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