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Les mutineries pendant la Première Guerre mondiale.


Voici un exposé intitulé Une mémoire du refus longtemps taboue voire censurée que nous avions réalisé à deux en Seconde en classe d'ECJS (ancien EMC) dans le cadre du Projet du centenaire


Introduction : Qu’est-ce qu’une mutinerie ?

Une mutinerie est le fait de se révolter avec violence contre l'autorité établie. C’est une action collective de rébellion au sein d'un groupe réglé par la discipline. Les détenteurs de l'autorité étant généralement remis en cause, les mutineries surviennent donc plus spécialement dans les armées, les prisons ou encore les équipages.

En 1917, après l’offensive ratée de Nivelle, on recense plus de 40 000 mutins. En quoi la guerre a-t-elle traumatisé les Poilus au point qu’ils se mutinent ?


I) La chanson de Craonne, un « hymne » à la mutinerie :

Cette chanson a été publiée dans la version qu’on connaît en 1917, bien qu’elle ait été en réalité composée en 1915, probablement par un poilu anonyme, originaire du midi.

Les paroles ont été recueillies par R.LEFEVRE et Paul VAILLANT-COUTURIER sur l’air d’une valse à succès « Bonsoir m’amour » (écrite par Charles SABLON en 1911).

Au départ, ce chant évoque le secteur sanglant de Lorette, en Artois. Puis, au fil des batailles, et selon les circonstances, « Lorette » est devenu « Craonne » (le nom d’une commune en Picardie). C’est une référence à l’offensive meurtrière du général Nivelle au Chemin des Dames.

La chanson de Craonne a été censurée jusqu’en 1974.


Paroles :

Premier couplet :

Quand au bout de huit jours, le repos terminé On va reprendre les tranchées Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c'est bien fini, on en a assez Personne ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comme dans un sanglot On dit adieu aux civ'lots. Même sans tambour, même sans trompette On s'en va là-haut en baissant la tête Refrain: Adieu la vie, adieu l'amour Adieu toutes les femmes C'est bien fini, c'est pour toujours De cette guerre infâme C'est à Craonne, sur le plateau, Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés Nous sommes les sacrifiés.

Deuxième couplet : Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance Pourtant on a l'espérance Que ce soir viendra la relève Que nous attendons sans trêve Soudain dans la nuit et dans le silence On voit quelqu'un qui s'avance : C'est un officier de chasseurs à pied Qui vient pour nous remplacer Doucement, dans l'ombre, sous la pluie qui tombe, Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain (voir ci-dessus)

Troisième couplet : C'est malheureux d'voir, sur les grands boulevards, Tous ces gros qui font la foire Si pour eux la vie est rose Pour nous, c'est pas la même chose Au lieu d'se cacher, tous ces embusqués Feraient mieux de monter aux tranchées Pour défendre leurs biens, car nous n'avons rien Nous autres, les pauvres purotins. Tous les camarades sont enterrés là Pour défendre les biens de ces messieurs-là Refrain final : Ceux qui ont l'pognon, ceux-là reviendront Car c'est pour eux qu'on crève Mais c'est fini, car les troufions Vont tous se mettre en grève Ce sera votre tour, messieurs les gros De monter sur le plateau Car si vous voulez la guerre Payez-la de votre peau !


Explications simplifiées des paroles :

Lors du premier couplet, l’auteur décrit combien il est difficile pour lui et ses camarades de retourner au front après leur semaine de repos.

Le refrain qui suit, est en fait un chant d’adieu à tout ce que représente la vie pour les Poilus; l’auteur insiste aussi sur la longueur de la guerre.

Le second couplet montre avec quelle impatience les soldats attendent la relève, après avoir survécu une semaine de plus dans les tranchées. Néanmoins, en voyant arriver les autres soldats, l’auteur relève les infimes chances qu’ils ont de survivre.

A travers le dernier couplet, l’auteur dénonce les bourgeois, qui préfèrent s’amuser et festoyer qu’aller défendre leur pays. En effet, selon l’auteur, c’est pour ces riches que meurent les soldats dans les tranchées.

Ces idées sont reprises dans le dernier refrain, dans lequel l’auteur explique que c’est au tour des riches d’aller se battre.


Interprétation :

Ici, le texte est une trace de la vision des Poilus sur la Grande guerre car il traduit les états d’âmes des soldats français lors des tranchées. Cependant, l’auteur ne cherche pas à convaincre directement ses auditeurs que ses idées sont les bonnes, mais seulement à exprimer ses émotions et sa colère, que nombre de soldats français ont ressentis en 1917.

Cette chanson est aussi une trace de la remise en cause de la guerre par les soldats français en 1917 qui s’est traduit par de nombreuses mutineries dans l’armée française, trois ans après le début de la Première Guerre mondiale.


II) La Bataille du Chemin des Dames, un lieu de mémoire des mutineries :

Le Chemin des Dames se situe sur le plateau de Craonne, en France.


L’histoire de cette bataille est la suivante : Le Général Robert Nivelle, reprenant le plan de Joffre, veut faire une percée dans le front allemand. Voilà pourquoi, le 16 avril 1917, à six heures du matin, il annonce : « L'heure est venue, confiance, courage et vive la France !». Plus d’un million d’hommes ont été rassemblés sur un front de 40 km entre Soissons et Reims. Mais rien ne se passe comme prévu. Les bataillons de tirailleurs sénégalais ne sont pas habitués au mauvais temps et les barbelés sont en meilleurs état que ce qu’ils avaient imaginé. Les pertes sont élevées. En dix jours, on dénombre plus de 30 000 tués.


Le 29 avril 1917, les premières mutineries font leur apparition. De plus, Nivelle s'obstine à une relance les 4 et 5 mai 1917. Il est finalement remplacé par le général Pétain le 15 mai 1917. Dès juillet, les mutineries se font de moins en moins nombreuses avant de cesser. En effet, Pétain améliore le sort des Poilus, et limite la perte des hommes. Les conditions de vie sont meilleures, les attaques moins offensives et les hommes davantage motivés et soulagés.

Le 24 octobre, l’armée française remporte sa première victoire : à La Malmaison, on réussit à conquérir quelques points stratégiques, même s’il n’y a rien de significatif.


Cette bataille, qui réunissait plus de 850 000 soldats français au départ, s’est soldée par des pertes s’élevant à 187 000 victimes (morts ou blessés).


III) Les mutineries de 1917 en général:

Si nous avons choisi de vous parler de la chanson de Craonne et de la Bataille du Chemin des Dames, c’est pour mieux comprendre le contexte des mutineries de 1917.


La veille de l’offensive de Nivelle, le 15 avril 1917, un énorme espoir nait chez les soldats. Avec cette offensive, on leur promet la fin de la guerre, et tous les soldats le traduisent comme un retour chez eux, d’autant plus que les permissions se font rares. Cet espoir réduit à néant est la première cause des mutineries. De plus, les échecs militaires, le mauvais temps et mauvaises conditions de vie (faim, fatigue, poux, maladies, rats, solitude, le manque de la famille, peur, report des permissions) déclenchent la montée de la grogne parmi les hommes au front. D’autre part, l’influence de la révolution bolchevique pendant la même année a également sa part de responsabilité, dans les mutineries de 1917. En effet, la montée de l’Internationale a provoqué une vague d’espoir et de rébellion dans toute l’Europe. Certains rêvent même de la "bonne blessure" qui leur permettrait de rentrer chez eux en vie.


Il y a différentes façons de se mutiner. Pendant la Bataille du Chemin des Dames, les soldats refusent collectivement de monter en ligne ou de participer à de nouvelles attaques vouées à l'échec. Ces refus s'accompagnent de manifestions de bruyantes, voire violentes durant lesquelles on retrouve le slogan "A BAS LA GUERRE"!

Par exemple, le 25 juin 1917, des soldats de la 16ème division se mutinent à Poissons : ils ont de violentes confrontations pendant toute la nuit avec les officiers : ils revendiquent la paix immédiate.


Voici un témoignage d’un soldat de la 5ème compagnie à sa femme, dans laquelle il explique pourquoi et comment il s’est mutiné (1917) :

« Je vais vous dire que nous avons refusé de monter en ligne mardi soir, nous n'avons pas voulu marcher. Nous nous sommes mis presque en grève, et beaucoup d'autres régiments ont fait comme nous Quand j'irai en " perm "je vous raconterai cela mieux Ils nous prennent pour des bêtes, nous font marcher comme cela et pas grand-chose à manger, et encore se faire casser la figure pour rien, on aurait monté à l'attaque, il en serait resté moitié et on n'aurait pas avancé pour cela. Peut-être que vous ne recevrez pas ma lettre, ils vont peut-être les ouvrir et celles où l'on raconte ce qui se passe, ils vont les garder ou les brûler Moi je m'en moque, j'en ai assez de leur guerre... »


Ces mutineries étaient généralisées par des tracts. Celui-ci date de 1917 et a été signé par des soldats appartenant à 10 régiments différents :

« Camarades, souvenez-vous de Craonne, Verdun, Somme, où nos frères sont restés. Camarades aux Armées ! Camarades ! Au nom de tous les camarades qui ont déjà signé pour obtenir la cessation des hostilités à la fin de juillet, nous venons vous prier de vous joindre à nous pour obtenir ce résultat et arrêter ce carnage, cette guerre qui a pour but premier d'enrichir le capitaliste et de détruire la classe ouvrière. Nous tiendrons les tranchées jusqu'à cette époque pour empêcher l'ennemi d'avancer. Passée cette date, nous déposerons les armes.

Transmettre aux RI dont vous avez l'adresse de leurs secteurs.

Camarades, unissons-nous tous pour aboutir à rétablir la classe ouvrière.

Debout ! L'heure est sonnée. Debout ! »


Les conséquences pour un mutin étaient la condamnation, aux travaux forcés, à une peine de prison voire à la mort. En 1917, il y a eu en tout 1381 condamnations aux travaux forcés ou à de longues peines de prison et 554 condamnations à mort, dont 49 eurent vraiment lieu. Lorsque ces condamnations à mort sont mises en avant, on parle de fusillés pour l’exemple, c’est-à-dire que l’on tue un mutin au hasard pour réprimer une mutinerie générale. Ce nombre de fusillés pour l’exemple, minime comparé à celui de 1914, accentue le traumatisme psychologique des soldats.


Un sujet de débat : Faut-il réhabiliter les mutins de 1917 ?

Cette question soulève les politiciens en 1998. En effet, lors de la cérémonie de commémoration de l’armistice du 11 novembre, Lionel Jospin a exprimé le souhait « que ces soldats, désignés pour l'exemple, réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale».

Mais dans les jours qui suivent, les partis de droite donnent leur réponse. Patrick Devedjian va jusqu’à dire : « Si Jospin réhabilite les mutins de 1917, pourquoi pas les collabos de 1940 ? »


En 2008, Jean-Marie Brockel avait proposé de réhabiliter les mutins de 1917 au cas par cas. Les propos de Nicolas Sarkozy « Tous furent des héros, même ceux qui, après avoir affronté avec un courage inouï, les plus terribles épreuves, refusèrent un jour d’avancer parce qu’ils n’en pouvaient plus. » vont dans le sens de son ministre.

Conclusion :

Lors de la Bataille du Chemin des Dames en 1917, le moral des soldats est au plus bas. Certains décident de se mutiner : ils refusent de combattre et la chanson de Craonne devient leur « hymne ». Certains mutins, sont fusillés pour l’exemple et aujourd’hui encore, le débat fait rage : les mutins de 1917 doivent-ils être réhabilités ? Et c’est peut-être au cours de cette centième année après le début de la Grande Guerre qu’une décision sera prise…


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