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L'Étranger, le meurtre


Voici une lecture analytique de la scène du meurtre, extraite du roman d’Albert Camus, L’Étranger, réalisée en classe de 1ère en français dans le cadre de la séquence : « Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours ».



Introduction :

Présentation: L'Étranger est un roman philosophique qui présente le processus de quête d'identité à travers un anti-héros, Mersault.


Situation : Cet extrait est situé à la fin de la 1ère partie. Focalisé sur le point de vue interne de Meursault, personnage principal hermétique, celui-ci a connu une altercation avec un arabe qu’il va tuer.


Albert Camus (1913-1960): Né à Alger et mort à Paris dans un accident de voiture. Il est l'auteur du cycle de l'Absurde (1941: Le Mythe de Sisyphe, 1942: L'Étranger, 1945: Caligula), qui sont des oeuvres existentialistes. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1957.


Lecture :

II était seul. Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans les ombres du rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe fumait dans la chaleur. J'ai été un peu surpris. Pour moi, c'était une histoire finie et j'étais venu là sans y penser.

Dès qu'il m'a vu, il s'est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche. Moi, naturellement, j'ai serré le revolver de Raymond dans mon veston. Alors de nouveau, il s'est laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de sa poche. J'étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son regard par instants, entre ses paupières mi-closes. Mais le plus souvent, son image dansait devant mes yeux, dans l'air enflammé. Le bruit des vagues était encore plus paresseux, plus étale qu'à midi. C'était le même soleil, la même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux heures que la journée n'avançait plus, deux heures qu'elle avait jeté l'ancre dans un océan de métal bouillant. A l'horizon, un petit vapeur est passé et j'en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je n'avais pas cessé de regarder l'Arabe.

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.


Problématique : Comment le meurtre de Meursault est-il mis en scène ?


Plan :

I. Le rôle de la nature

1) Un soleil hostile

2) Le soleil, source de souffrance

3) Une nature apocalyptique


II. Meursault, un anti-héros

1) Un personnage irresponsable

2) Qui obéit à son instinct

3) Un personnage passif


III. Un meurtre absurde

1) L’engrenage tragique

2) Un acte mécanique

3) Une prise de conscience


I. Le rôle de la nature

1) Un soleil hostile

Présence de nombreuses métaphores exprimant la chaleur importante due au soleil : « Son bleu de chauffe fumait » , « l’air enflammé », « océan de métal bouillant », « plage vibrante de soleil » → hyperbole

5 répétitions du mot « soleil »

=Le soleil et la chaleur sont omniprésents, c’est le 3e personnage.


2) Le soleil, source de souffrance

L’arabe est à l’ombre : « ombre du rocher » → il est protégé alors que le soleil va attaquer Meusault.

« brûlure du soleil », « le front me faisait mal », « je ne pouvais plus supporter » → douleur physique

« c’était le même soleil que le jour où j’avais enterré Maman » → douleur morale, souvenirs douloureux

Provoque des réactions physiques concrètes : « gouttes de sueur »


3) Une nature apocalyptique

l.29: « c’est alors que tout a vacillé » → bousculement, coupure

l.29: « la mer a charrié » → personnification, monstre biblique

l.30: « le ciel s’ouvrait […]pour laisser pleuvoir du feu » →métaphore, apocalypse

=cadre spatial irréel, références bibliques et mythologiques


II. Meursault, un anti-héros

1) Un personnage irresponsable

Pas de conflits réels : opposition des positions de Meursault et celle de l’Arabe :

l.1: « reposait sur le dos » →détente repos

l.4: « il s’est soulevé un peu » → pas d’agression

« J’ai fait quelques pas » ≠ « L’arabe n’a pas bougé »

« j’ai fait un pas » ≠ « L’Arabe a tiré son couteau » →protection

=Les deux hommes ne font que réagir face à l’action de l’autre, loi du Talion (Œil pour œil, dent pour dent)


2) Qui obéit à son instinct

l.4: « Moi, naturellement, j’ai serré le revolver » →instinctif, peur

l.21: « Je savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. » → souligne lui-même son erreur mais le fait quand même.

l.31: « j’ai crispé la main sur le revolver » → réaction non-raisonnée

l.33: « j’ai secoué la sueur et le soleil » → zeugma, réaction animale

=obéit à son instinct et ses sensations


3) Un personnage passif

l.3: « histoire finie », « sans y penser » →pas de préméditation

l.16: « J’ai attendu. » → passivité

l.14: « j’ai pensé que » → action raisonnée mais pas réalisée

l.32: « J’ai touché le ventre poli de la crosse » →caractérisation indirecte

=Meursault est passif par rapport à la situation, à la nature et à ses propres émotions.


III. Un meurtre absurde

1) L’engrenage tragique

l.22; « Mais j’ai fait un pas, un seul pas en avant » →répétition, insistance

=HARMATIA : erreur que commet le héros et qui déclenche le mécanisme tragique. Ici, c’est le pas en avant qui est un acte irréfléchi.

Il déclenche : « L’arabe a tiré son couteau » et « La lumière a giclé sur l’acier » → métaphore du sang, prémonitoire.

l.25: « La sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières », « voile épais », « aveugle » → Meursault ne voit plus : rappelle les tragédies classiques (Œdipe)

=Le mécanisme tragique représenté par la fatalité est mis en place.


2) Un acte mécanique

« couteau » → « glaive » → « épée » =mirage

Il cherche à se protéger : « et j'ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé » → ce n’est pas lui qui tire, caractérisation indirecte

l.35: « J’ai tiré quatre coups » → mécanique, quatre pas.

l.35: « Les balles s’enfonçaient sans qu’il n’y parût » → métonymie

=Meursault cherche-t-il à s’affirmer ou est-ce un acte mécanique lié à sa frustration ?


3) Une prise de conscience

« J’ai pensé », « j’ai compris » →prise de conscience

Termes positifs : « équilibre », « exceptionnel », « heureux » → prise de conscience d’un état perdu, responsabilité.

l.34: « j’avais été heureux » → première référence au bonheur du roman

l.36: « et c’était comme » → comparaison

l.36: « quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. » → métaphore, référence aux enfers

=passage d’un monde positif au monde négatif. Annonce une nouvelle étape dans la poursuite du roman.


Conclusion :

-bilan I, II, III

-réponse à la problématique : Dans cet extrait, le Soleil joue le rôle d’une divinité et d’une force supérieure. La fatalité est omniprésente et le meurtre prend une dimension tragique grâce à une gradation dans la dramatisation.

-ouverture : On pourrait comparer cet extrait du meurtre avec l’excipit de l’Étranger où Meursault retrouve la paix avec lui-même avant son exécution.

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