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L'Île des esclaves, Scène 3


Voici une lecture analytique du dénouement de la comédie de Marivaux, L’île des esclaves, réalisée en classe de 1ère en français, dans le cadre de la séquence : « La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos jours ».


Introduction:

Marivaux (1688-1763): auteur de théâtre (Le jeu de l'Amour et du Hasard, 1730), L'île des esclaves, 1725). Il est confronté à deux périodes: la tradition classique du XVIIe siècle avec ses règles et les nouvelles idées progressistes du siècle des Lumières. Il utilise aussi la tradition de la Commedia dell'Arte pour faire passer ses idées.


Situation : Cet extrait est une scène faisant le portrait caricatural d'Euphrosine par son esclave Cléanthis, épreuve imposée par Trivelin.


Lecture :

1CLEANTHIS : Madame se lève; a-t-elle bien dormi, le sommeil l'a-t-il rendue belle, se sent-elle du vif, du sémillant dans les yeux ? vite, sur les armes; la journée sera glorieuse. « Qu'on m'habille ! » Madame verra du monde aujourd'hui; elle ira aux spectacles, aux promenades, aux assemblées; son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à voir, il n'y a qu'à le promener hardiment, il est en 5état, il n'y a rien à craindre.

TRIVELIN, à Euphrosine. − Elle développe assez bien cela.

CLEANTHIS. − Madame, au contraire, a-t-elle mal reposé ? « Ah ! qu'on m'apporte un miroir; comme me voilà faite ! que je suis mal bâtie ! » Cependant on se mire, on éprouve son visage de toutes les façons, rien ne réussit; des yeux battus, un teint fatigué; voilà qui est fini, il faut envelopper ce visage-là, nous 10n'aurons que du négligé, Madame ne verra personne aujourd'hui, pas même le jour, si elle peut; du moins fera-t-il sombre dans la chambre. Cependant, il vient compagnie, on entre : que va-t-on penser du visage de Madame ? on croira qu'elle enlaidit : donnera-t-elle ce plaisir-là à ses bonnes amies ? Non, il y a remède à tout : vous allez voir. « Comment vous portez-vous, Madame ? - Très mal, Madame; j'ai perdu le sommeil; il y a huit jours que je n'ai fermé l'œil; je n'ose pas me montrer, je fais peur.» Et cela veut dire : « 15Messieurs, figurez-vous que ce n'est point moi au moins; ne me regardez pas, remettez à me voir; ne me jugez pas aujourd'hui; attendez que j'aie dormi.» J'entendais tout cela, car nous autres esclaves, nous sommes doués contre nos maîtres d'une pénétration !... Oh ! ce sont de pauvres gens pour nous.


Problématique: Comment cette caricature fait-elle la satire d'un monde superficiel?


Plan:

I.Une scène comique

1) L’échange des rôles

2) Le jeu des portraits

3) Caricature d’une femme par une autre

II.Un portrait à double visage

1) Une personnalité oisive

2) L’importance du visage

3) Le but du jeu

III.Satire d’un monde superficiel

1) Un monde artificiel

2) Un monde cruel

3) Satire d’une classe sociale par une autre


I.Une scène comique

1) L’échange des rôles

L'échange des rôles est imposé par Trivelin: Cléanthis devient maîtresse et Euphrosine l'esclave. L'échange des rôles est une pratique chère à Marivaux car il l'utilise comme épreuve et comme leçon grâce au mimétisme.

utilisation du discours indirect-libre: "le sommeil l'a-t-il rendue belle?"→mise en abyme, Cléanthis joue son rôle tout en imitant sa maîtresse.


2) Le jeu des portraits

Cléanthis réalise un portrait à charge de sa maîtresse, qui consiste à grossir les traits. Il s'agit d'un jeu historique, notamment utilisé dans La princesse de Clèves de Mme de La Fayette, Les caractères de La Bruyère et par Molière dans ses comédies.


3) Caricature d’une femme par une autre

Cléanthis prend du plaisir à se moquer de sa maîtresse:

on retrouve beaucoup de rythmes ternaires:

l.1-2: "a-t-elle bien dormi, le sommeil l'a-t-il rendue belle, se sent-elle du vif, du sémillant dans les yeux ?"

l.4: "elle ira aux spectacles, aux promenades, aux assemblées;"

=impression de surcharge

Trivelin l'encourage à continuer: il apprécie ce portrait.

=Cléanthis connaît très bien sa maîtresse et ce portrait apparaît comme une vengeance.


II.Un portrait à double visage

1) Une personnalité oisive

1ère partie du portrait:

l.2: "du sémillant dans les yeux"→soutenu, imite le vocabulaire employé par sa maîtresse.

l.2: "Qu'on m'habille!": impératif, discours direct → autoritaire

l.3-5:"son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à voir, il n'y a qu'à le promener hardiment, il est en état, il n'y a rien à craindre."→ accumulation

=Toute la vie d'Euphrosie repose sur sa beauté physique, il n'y a aucun consistance. Euphrosine est un personnage qui prête à rire.


2) L’importance du visage

2ème partie du portrait:

champ lexical du visage: "miroir", "yeux", "teint", "enlaidit", "verra"...

l.7: "« Ah ! qu'on m'apporte un miroir;"→discours direct

l.8-9:"Cependant on se mire, on éprouve son visage de toutes les façons, rien ne réussit;"→ accumulation, beaucoup d'efforts mis en oeuvre

l.10: "Madame ne verra personne aujourd'hui, pas même le jour, si elle peut;"→ à l'inverse, si elle n'est pas belle, elle ne peut plus sortir.


3) Le but du jeu

Le but de ce portrait est de corriger les moeurs des hommes par le rire, selon la fameuse citation castigat ridendo mores.

Cléanthis dénonce les ridicules de sa maîtresse tout en faisant rire le spectateur: on peut imaginer la mise en scène avec la réaction d'Euphrosine qui ne peut parler. Le jeu de surenchère est aussi très comique car plus Cléanthis en rajoute, plus Euphrosine va mal.


III.Satire d’un monde superficiel

1) Un monde artificiel

Le monde de la noblesse est basé sur le faux et les apparences.

l.3-4: "son visage ne peut se manifester" → métonymie, Euphrosine n'est désignée que par la beauté de son visage.

Au contraire, elle ne peut montrer ses faiblesses: l.9: "voilà qui est fini"


2) Un monde cruel

l.11-12: "Que va-t-on penser du visage de Madame?"→ pronom indéfini

l.14: "Et cela veut dire"→ explications de Cléanthis

l.15: "ne me jugez pas aujourd'hui"→ les gens de la cour sont constamment observé et jugés.

l.14: "Je n'ose pas me montrer"→ cette cruauté du monde noble peut courir à la perte de ses acteurs.


3) Satire d’une classe sociale par une autre

Démonstration par l'exemple:

l.17: "nous autres esclaves"→ généralisation, insistance sur la classe sociale.

l.18: "Nous sommes doués contre nos maîtres"→ rivalité, accentue l'intelligence des esclaves.

l.18: "oh!"→interjection

l.19: "pauvres gens pour nous!"→ généralisation, supériorité

=Inversion des rôles même sans le jeu de Trivelin


Conclusion:

-bilan I, II, III

.réponse à la problématique: Marivaux fait la satire d'un monde superficiel par la parodie d'un monde cruel envers ses membres et par le jeu des portraits et le registre comique.

-ouverture: Dans Le mariage de Figaro, Beaumarchais effectue aussi une satire de la noblesse mais il va plus loin qu Marivaux grâce au personnage engagé de Figaro.

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