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La méthode de la dissertation en philo


Tête de femme dans un chapeau, Picasso, 1962

Vous êtes très nombreux.ses à me demander plus d'articles en philosophie, et vous avez bien raison tant cette matière est difficile à apprivoiser et passionnante ! Alors, comme je n'ai pas les connaissances et compétences suffisantes pour le faire, j'ai demandé à une super prof de philo de partager ses magnifiques cours avec vous. On commence avec un article sur la méthode de la dissertation, qui vous sera utile en philosophie, bien-sûr, mais aussi pour toutes les matières de rédaction.

Au brouillon : le brouillon doit vous prendre 1h15 maximum car il faut au moins laisser 2h45 pour la rédaction et la relecture.

1) Définir les termes du sujet : On repère les notions dans le problème posé : le travail, les échanges, la conscience, le bonheur, la liberté… ainsi que d’autres mots clefs.

Ex : Dans : « Y a-t-il des vérités indiscutables », il y a « vérité », qui est une notion, et « indiscutables », qui est un mot clef. Attention aux notions cachées !

Ex : dans « la satisfaction des désirs rend-elle heureux ? », la notion de bonheur est cachée dans « heureux », cela va de soi. Celle de désir, quant à elle, est bien visible.

- En intro, on se contente d’une définition minimale qui sera amenée à être complétée dans les différentes parties. On peut apprendre les définitions de chaque notion pour avoir un point de départ solide.

Ex : le bonheur consiste en une satisfaction durable

- Il est aussi important de faire des distinctions conceptuelles pour préciser le concept.

Ex : le bonheur est durable, contrairement à la joie ou à un plaisir particulier qui sont ponctuels. Il est une satisfaction qui s’étend dans le temps.

- La définition devra ensuite évoluer dans toute la dissertation : la définition la plus forte et la plus aboutie correspond à la troisième partie de la dissertation, la première étant réservée plutôt à la plus « naïve » ou la plus immédiate, qui sera facilement critiquable en deuxième partie.

2) Trouver une tension : On répond à la question en essayant d’opposer deux idées contraires ou en apparence incompatibles.

Ex : en un sens la satisfaction des désirs rend heureux puisqu’elle s’accompagne d’un plaisir, qui est un sentiment agréable. Mais dans un autre sens, satisfaire tous ses désirs, c’est ne plus rien avoir à désirer comme Dom Juan, qui devient alors malheureux et vide (la tension sera détaillée ci-dessous avec l’amorce et le retournement. C’est elle qui mène au problème).

3) Construire un plan détaillé : composé de 3 parties avec 2 ou 3 sous-parties pour répondre au problème. On peut leur donner des titres au brouillon pour structurer le raisonnement, mais ils ne doivent pas apparaître sur la copie.

L’introduction :

On peut la rédiger entièrement au brouillon si on a du temps ou juste écrire les phrases stratégiques.

1) Amorce : on commence toujours par la première idée qui nous vient sur le problème posé. C’est le moment du « à première vue ». On commence toujours par un exemple, une expression populaire, une référence historique ou littéraire, et on en déduit ce que ça nous dit sur notre question pour en dégager la première thèse.

Ex : si la question est « Suis-je ce que les autres font de moi » : Le fait que nous ayons une personnalité, c’est-à-dire des caractéristiques qui nous sont propres et qui nous définissent comme individu singulier, indique que nous ne sommes pas ce que les autres font de nous. Sinon, il n’y aurait aucune différence entre moi et un autre, et nous serions tous des clones. Ceci pose un problème éthique : nous ne serions que des numéros sans être des personnes à part entière.

2) Retournement : il s’agit de critiquer la première thèse qui découle de l’amorce à l’aide d’un autre exemple qui montre le contraire. On introduit alors un connecteur logique (ex : cependant, toutefois) : Ex : Toutefois, le fait que nous adoptions le style vestimentaire des autres ou suivions ce que nos parents nous disent de faire montre que nous sommes aussi ce que les autres font de nous. En effet, il serait absurde d’affirmer que nous nous sommes faits « tout seuls », sans influence parentale, amicale ou culturelle. Telle est l’illusion du « self made man » ou de l’homme qui se serait fait tout seul en anglais. Sans l’influence d’autrui, nous n’aurions pas de repères, pas d’exemples ou de modèles à suivre.

3) Problématisation : c’est le moment crucial, on dramatise un peu le propos et on met en tension nos deux thèses adverses pour introduire la question en récapitulant : Ex : D’un côté nous ne sommes pas ce que les autres font de nous, sinon nous perdrions toute singularité et ne serions qu’un numéro parmi d’autres. Cela poserait un problème éthique. Mais d’un autre côté, nous sommes influencés par les autres, au moins par ceux qui nous ont éduqués, et il serait naïf de dire que nous nous sommes faits tout seuls. On aboutit au problème où l’individu serait tout aussi perdu sans l’influence des autres (n’ayant aucun modèle à suivre) qu’en étant complètement influencé par les autres (devenant alors un numéro).

Explication : on essaie de tirer les conséquences de chaque thèse : - Si on dit que nous ne sommes pas du tout ce que les autres font de nous, alors on peut plus expliquer pourquoi on a des modèles ou des exemples à suivre, pourquoi l’éducation est importante dans la construction personnelle. On devient perdus. - Inversement, si on pense que nous sommes entièrement ce que les autres font de nous, nous sommes tout aussi perdus dans le conformisme et nous n’exprimons plus notre personnalité. - Dans les deux cas, l’individu est perdu ! Ce genre de problème sans solution est appelé une aporie.

4) Reformulation de la problématique : on va alors réécrire le problème tel qu’il nous est présenté, mais en le complétant (sinon ce serait trop facile) :

Méthode 1 : Ex : Notre problème sera donc le suivant : suis-je ce que les autres font de moi, si je suis influencé par les autres mais qu’en même temps je cherche à m’affirmer en tant qu’individu singulier ?

Ainsi, vous retrouvez dans la question vos 2 thèses adverses : celle de l’amorce, et celle du retournement. Donc, votre première partie correspond à l’idée de l’amorce et la deuxième partie au retournement ! Trop facile non ?

Méthode 2 : Vous pouvez aussi poser d’autres questions à la suite du problème : Suis-je ce que les autres font de moi ? Ma personnalité est-elle construite à partir des autres ? ou bien me suis-je fait tout seul comme ma propre cause ? Ainsi, on retrouve nos 2 idées adverses aussi, mais sous forme interrogative. Le fait de compléter la question du bac n’est pas décoratif, mais doit constituer un véritable problème, doit exposer un paradoxe.

→ Choisissez la méthode qui vous embrouille le moins.

Dans tous les cas, vérifiez que votre problème répond bien à ces trois exigences : 1- Il n’est pas évident à résoudre (c’est une aporie, un paradoxe).

Ex : « les hommes parlent-ils tous la même langue ? » appelle une réponse évidente : non ! 2- Il faut que le problème soit important (qu’il ait des enjeux existentiels, moraux, pratiques, politiques). Le problème n’est jamais gratuit. 3- Qu’il soit philosophique et pas simplement résolu par une enquête scientifique ou journalistique. Ex : « y a-t-il d’autres formes de cultures ? » n’ajoute rien au problème. La question appelle à faire une liste sans intérêt. Autres exemples : « la science a-t-elle évolué au cours de l’histoire ? », « y a-t-il d’autres formes d’intelligence dans l’univers ? », « y a-t-il une vie après la mort ? »…

5) Annonce du plan : on annonce nos parties, qui sont trois réponses différentes à la question. On évite de dire : la première partie sera, la deuxième… sinon il n’y a aucune connexion entre elles. Il faut faire apparaître un cheminement, une réflexion du type : Dans un premier temps nous verrons que… Mais il apparaît aussi que …, ce que nous étudierons dans un deuxième temps. Enfin, nous analyserons dans un troisième temps que c’est précisément / que pour trancher notre question il faut affirmer que…

Ex : Nous verrons dans un premier temps que la notion de personne empêche que nous soyons ce que les autres font de nous, sinon nous n’aurions aucune singularité. Mais la présence de l’influence des autres tend à montrer au contraire que les autres façonnent notre personnalité, ce que nous verrons dans un deuxième temps. Enfin, il s’agira de montrer à travers la notion d’inspiration que l’influence d’autrui n’implique pas nécessairement la disparition de l’individu, mais qu’au contraire elle le révèle.

La partie I : - Commencer par reprendre un exemple pour prouver la première thèse. En gros, il faut repartir sur notre amorce et la développer : Ex : Le moment de l’adolescence, où l’individu entre en conflit avec les autres et cherche à s’affirmer, montre que nous ne sommes pas ce que les autres nous disent d’être. Nous nous mettons en effet dans une posture de révolte face à ceux qui nous dictent comment nous habiller, nous comporter…

- Une fois qu’on a développé l’idée générale de la partie avec des exemples simples, on essaie d’introduire le concept d’un auteur, ou sa thèse qui pourrait nous aider à mieux exprimer notre pensée : Ex : L’importance de la notion de personne est démontrée par Locke dans le chapitre 27 du livre II de L’Essai sur l’entendement humain. Dans cet ouvrage… - Là on développe l’argumentation de l’auteur, ce qui va le mener à son opinion sur la question, c’est-à-dire à sa thèse. - Puis on termine par une mini conclusion qui est une première réponse au problème Ex : Le concept de ou l’argument de… nous a conduit à montrer qu’en tant que personnes, nous nous construisons une identité, laquelle est incompatible avec l’idée que les autres nous influenceraient totalement dans la construction de cette identité. Ainsi nous ne sommes pas ce que les autres font de nous en tant que personnes, et non pas numéros dépourvus de singularité. Les transitions : 1) Résumer les acquis du raisonnement (c’est le rôle de la mini conclusion) 2) Critiquer ce qui vient d’être dit avec un « toutefois », « cependant » : on revient à la ligne avec un alinéa pour faire la critique. Critiquer n’est pas se contredire : c’est montrer les failles du raisonnement, une dimension qui n’a pas été vue, une conséquence de la thèse qui est intenable (ça pose un problème moral par exemple). Ex : Toutefois, cette affirmation du sujet en tant que personne a des limites, puisqu’elle sous-entend qu’il serait possible de se faire tout seul. Or nous ne sommes pas des causes de nous-mêmes au sens où Dieu serait causa sui, sa propre cause. Nous sommes compris dans un contexte familial et social qui fait que nous ne sommes pas hermétiques à toute influence. Par exemple…

La partie II : - On peut continuer la critique de la partie I pour commencer la partie II. C’est un bon moyen pour dynamiser la rédaction et la rendre problématique (comme ça, on ne pourra pas vous reprocher de plaquer des parties sans liens entre elles). - On introduit alors la thèse adverse (celle du retournement de l’intro, vous vous souvenez ?) avec à peu près le même schéma : - Question pour introduire la possibilité d’une opinion opposée. - Exemple - Concept ou thèse d’auteur pour préciser la pensée. - Donner d’autres exemples au besoin si l’auteur n’en donne pas. Ce qui donne : Ex : Et si notre personnalité n’était que la sommes des influences que nous avons reçues des autres ? si la notion d’identité personnelle n’était qu’une illusion ? Dans ce cas, il faudrait alors affirmer au contraire que nous sommes plutôt ce que les autres font de nous, bien que nous ne soyons pas nécessairement conscients d’une telle influence. Il arrive par exemple que nous reproduisions des mécanismes familiaux : une façon de parler, de se mouvoir, ou même le choix d’un métier. Nous pouvons faire l’hypothèse que même ce qui semble émaner d un choix personnel est en réalité emprunt de l’influence des autres, notamment de nos parents. Une telle influence inconsciente est démontrée par Freud…

- Une fois l’argument de l’auteur ou des auteurs exposé, on finit par une mini conclusion pour répondre à notre problème (on doit toujours avoir le réflexe de répondre au problème, c’est ce qui évite le hors sujet). - Début de la critique pour transiter vers la partie III : là on se retrouve dans une posture aporétique, parce qu’on a critiqué la thèse I et la thèse II et qu’on ne peut pas choisir ni jeter l’une ou l’autre des thèses. Comment trancher alors ? La partie III vient au secours pour donner un compromis ou la thèse la plus satisfaisante et la plus nuancée possible.

La partie III : - On peut continuer la transition en commençant la partie III : on dramatise un peu le propos en montrant que chacune des deux thèses ne va pas de soi, qu’elles ont chacune des conséquences intenables, et qu’il faut alors trouver une solution au problème. C’est le rôle de cette partie. On peut réutiliser nos « d’un côté » et « d’un autre côté » : D’un côté il serait naïf de dire que nous nous sommes faits tout seuls comme notre propre cause, oubliant ainsi nos origines, nos éducateurs ou nos modèles. Mais il serait tout aussi problématique de dire que la notion d’identité personnelle serait une illusion, puisque la liberté de choix du sujet s’y perd. Nous tombns alors dans un schéma déterministe où l’individu et son destin sont déterminés par son milieu social et familial. Dans les deux cas, nous perdons la notion d’individu. - On adopte alors une position nuancée et on décide de ce que l’on veut conserver dans les deux parties qui précèdent : Pour trancher la question de la part d’influence des autres dans la construction de notre personnalité, il faut reconsidérer cette influence de manière positive, afin qu’elle soit compatible avec l’affirmation d’un « je ». Nous pouvons alors utiliser le concept d’inspiration, qui est une influence librement acceptée par le sujet, contrairement à l’influence qui s’exerce par la contrainte. Une telle influence positive est exposée par Kant lorsqu’il parle du génie qui s’inspire de ses maitres dans la Critique de la faculté de juger

La conclusion : - On rappelle la question et notre cheminement, tout simplement : Nous nous étions posés la question de savoir si nous étions ce que les autres font de nous. En effet d’une part nous sommes influencés par les autres mais d’autre part nous cherchons à nous affirmer en tant qu’individu singulier Une première réponse était de voir que… Mais (rappeler quelques éléments de critique) nous a conduit à penser au contraire que…., ce que nous avons vu dans un deuxième temps. Pour résoudre notre problème sans tomber dans l’écueil de (ce qui faisait défaut à la partie I) ou de (ce qui faisait défaut à la partie II), nous avons enfin vu que c’est plutôt/précisément …

- Pas besoin d’ouverture si celle-ci est trop artificielle.

Conseils de rédaction généraux : - Reformuler : à l’aide de « c’est à dire », « en d’autres termes » pour préciser toujours plus la pensée. - Utiliser des connecteurs logiques : Or, toutefois, cependant, de plus, ainsi, de même que… de même… (analogie), d’une part… d’autre part… - Répondre régulièrement au problème au fur et à mesure du raisonnement pour « retomber sur ses pattes » et éviter le hors sujet. - Citer précisément les auteurs : leur oeuvre, leurs termes ou expressions. - Utiliser des exemples pour ne pas rendre le propos trop abstrait, même les plus simples. - Penser aux expressions populaires sur le sujet : elles cachent souvent une thèse intéressante.

Ex : « le malheur des uns fait le bonheur des autres » montre que pour être heureux il faut être injuste, que mon propre bonheur se paie du prix de celui des autres. - Relire : les fautes d’orthographe pénalisent beaucoup, même dans une copie qui a de bonnes idées. - Quelques armes pour critiquer les arguments pour faire de bonnes transitions : il y a le risque déterministe, relativiste, pessimiste, naïf. Les problèmes moraux, éthiques, existentiels, politiques, métaphysiques, théologiques, épistémiques (rapport à la connaissance) → ce sont précisément les enjeux.

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